L’eau : rôles biologiques et enjeux médicaux en oncologie.
On pense souvent à ce qu’il faut mettre dans son assiette, mais on oublie parfois que l’eau est indispensable au fonctionnement de l’organisme au quotidien.
Cet élément vital soutient nos cellules, alimente nos organes et contribue à maintenir l’ensemble du corps en équilibre.
A la naissance, le poids du corps humain est constitué d’environ 75 % d’eau, avec l’âge cette proportion diminue progressivement pour atteindre les alentours de 55 %. Les bases physiologiques
La répartition d’eau dans le corps :
-Eau intracellulaire : environ 40% du poids corporel servant de support aux différentes réactions biochimiques.
-Liquide interstitiel : il baigne les cellules, les nourrit et les protège.
-Plasma sanguine : agit comme un système de transport pour l’oxygène et les nutriments tout en aidant à évacuer les déchets.
-Liquides spécialisés (liquide céphalo-rachidien, synovial) : environ 1%, essentiel à la protection du cerveau et à la lubrification des articulations.
Mécanisme de circulation de l’eau dans l’organisme :
-Osmose : l’eau circule spontanément des milieux peu concentrés vers ceux qui en contiennent davantage, afin de rétablir un équilibre.
-Aquaporines (canaux) : intégrées aux membranes cellulaires, qui laissent uniquement passer l’eau de manière rapide et contrôlée. 40% 15% 5% 1% Schéma: la répartition d'eau dans le corps compartiment intra-cellulaire liquide interstitiel plasma liquides spécialisés.
-Pression osmotique : la force qui pousse l’eau à rejoindre les zones ou la concentration en substances dissoutes est la plus élevée.
-Gradients de concentration : ils favorisent le déplacement naturel de l’eau pour maintenir une répartition stable dans les différents compartiments corporels.
-Pression hydrostatique : c’est la pression exercée par les liquides sur les parois des vaisseaux et des cellules, modulant ainsi les flux d’eau.
-Osmolalité : elle correspond au degré de concentration des particules dans les liquides corporels, et joue un rôle dans la régulation hormonale ainsi que dans la sensation de soif. L’hormone antidiurétique (ADH) intervient dans ce mécanisme en augmentant la réabsorption d’eau au niveau rénal lorsque l'osmolalité sanguine s'élève, contribuant ainsi au maintien de l’équilibre hydrique.
Absorption intestinale de l’eau L’absorption de l’eau s’effectue principalement au niveau de l’intestin grêle, selon différents mécanismes :
-Co transport sodium-glucose (SGTL-1) : favorise l’entré conjointe du sodium et du glucose dans les entérocytes, entrainant par osmose le passage d’eau vers l’intérieur de la cellule.
-Transport actif secondaire : utilise le gradient du sodium pour faire pénétrer d’autres nutriments comme le glucose, entrainant avec elles l’eau par osmose.
-Effet osmotique : sodium et glucose, une fois absorbés, captent naturellement l’eau, permettant ainsi son passage des lumières intestinales vers les compartiments intracellulaires.
-Pompe Na+/K+_ATPase : régule l’équilibre sodium/potassium, essentiel à l’absorption hydrique.
-Solutions ioniques : leurs compositions proches de celle du plasma sanguin facilite une absorption rapide et efficace.
-Transport para cellulaire : l’eau peut passer directement entre les cellules intestinales.
Élimination:
L’eau absorbé est ensuite redistribuée dans l’organisme, puis éliminée par différents organes :
-Reins : filtration glomérulaire et concentration des urines.
-Peau : sudation, jouant un rôle essentiel dans la thermorégulation.
-Poumons : pertes insensibles par la respiration.
-Tube digestif : faible proportion éliminée par les selles.
Déséquilibre hydrique : Les signes d’alerte d’une déshydratation
La déshydratation traduit un déséquilibre entre les apports et les pertes hydriques, entrainant une altération progressive des fonctions physiologiques.
Dans les formes légères, la diminution du volume hydrique stimule la sécrétion d’hormone antidiurétique ADH, entrainant une concentration des urines. Les premiers signes cliniques incluent une sécheresse buccale, une fatigue précoce et parfois des céphalées.
En cas de déshydratation modérée, l’hypovolémie devient plus marquée, se traduisant par une tachycardie compensatrice, une hypotension orthostatique et une hémoconcentration. Des troubles cognitifs et une hyperthermie peuvent également apparaitre. Dans les formes sévères, la perte hydrique massive conduit à un choc hypovolémique, une insuffisance rénale aigue, des troubles de la conscience, une acidose métabolique, une anurie et parfois des troubles de la coagulation, traduisant une défaillance multiviscérale menaçant le pronostic vital.
Situations cliniques pouvant provoquer une déshydratation:
-La déshydratation peut survenir dans de nombreuses situations cliniques. Elle est particulièrement fréquente aux âges extrêmes de la vie, en raison d’une régulation hydrique altérée et d’une moindre perception de la soif.
-Des conditions telles qu’une fièvre prolongée, une hyperventilation (effort physique intense, stress aigue…) entrainant une transpiration excessive et des pertes hydriques importantes.
-La diminution des apports est également une cause majeure, observée en cas de dysphagie, d’anorexie, de fatigue intense limitant la prise hydrique, ou de troubles neurologiques affectant la sensation de la soif.
-Les pertes digestives par vomissements ou diarrhée, de même que les pertes urinaires excessives (polyurie), les brûlures étendues, les hémorragies, ou encore la malnutrition, aggravant le déficit hydrique.
-Certains médicaments favorisent également la déshydratation, notamment les diurétiques, les laxatifs et les corticoïdes, par leurs effets sur l’élimination rénale de l’eau et des électrolytes.
-Chez les patients sous radiothérapie ou chimiothérapie, la déshydratation constitue une complication fréquente favorisée par les effets secondaires tels que : l’anorexie, dysgueusie, nausées, vomissements, diarrhées, mucites, la fatigue, la douleur, la fièvre, les brûlures radiques cutanées ou muqueuses, la réaction inflammatoire et les modifications métaboliques, majorant le risque de déséquilibre hydroélectrolytique voir une insuffisance rénale fonctionnelle.
Principales fonctions de l’eau et leurs rôles en oncologie:
L’eau joue un rôle essentiel dans le fonctionnement de l’organisme et devient particulièrement déterminante en oncologie, où les traitements (chimiothérapie, radiothérapie, immunothérapie) augmentent les besoins corporels et fragilisent de nombreux systèmes.
-Thermorégulation Physiologiquement, l’eau maintient la température corporelle stable grâce à l’évaporation, la conduction de la chaleur et son inertie thermique. En oncologie, une bonne hydratation limite les variations thermiques liées aux infections, aux réactions inflammatoires des traitements, à la fièvre thérapeutique et réduit le risque de déshydratation fébriles et soutient la tolérance générale aux thérapeutiques.
-Métabolisme énergétique L’eau participe aux grandes voies métaboliques (glycolyse, cycle de Krebs, réactions enzymatiques). En situation oncologique, où la dépense énergétique est souvent augmentée et où les traitements majorent le stress oxydatif, une hydratation suffisante optimise la production d’énergie cellulaire, réduit la fatigue, améliore la fonction immunitaire et favorise la récupération tissulaire.
-Élimination des déchets sur le plan physiologique, l’eau assure la filtration rénale, l’élimination des toxines et la régulation acidobasique.
En oncologie, elle devient un outil thérapeutique majeur en permettant l’élimination des métabolites toxiques de la chimiothérapie, en prévenant la néphrotoxicité (comme la cisplatine) et en limitant les troubles digestifs tels que la constipation ou les nausées liés aux traitements ou à la prise d’opioïdes.
-Rôle mécanique L’eau assure la lubrification des articulations, protège le système nerveux central via le liquide céphalorachidien et maintient le volume cellulaire et l’élasticité des tissus. En oncologie, elle participe à limiter la sécheresse cutanéo-muqueuse liée aux traitements, améliore le confort articulaire (notamment sous hormonothérapies), réduit les mucites et soutient la qualité cutanée en radiothérapie.
-Cicatrisation Physiologiquement, l’eau soutient l’activité des fibroblastes, le transport des nutriments essentiels et la microcirculation.
Chez le patient atteint de cancer, elle favorise une cicatrisation optimale post-chirurgie, limite le risque de retard de guérison, réduit l’inflammation et aide la peau et les muqueuses à se régénérer après les dommages induits par la radiothérapie.
-Santé digestive L’eau est indispensable à la digestion, à la décomposition des aliments, à l’absorption des nutriments et à la formation de selles hydratées. En oncologie, une hydratation suffisante limite la constipation associée aux traitements antiémétiques ou morphiniques, réduit la sévérité des diarrhées induites par certaines chimiothérapies ou thérapies ciblées, et améliore l’hydratation des muqueuses digestives fragilisées.
-Santé cérébrale Physiologiquement, l’eau assure une bonne perfusion cérébrale et soutient la transmission synaptique. Dans le contexte oncologique, elle aide à prévenir les maux de tête et la confusion liés à la déshydratation, participe à limiter le « chemo brain », améliore la mémoire, la concentration et globalement les fonctions cognitives, souvent altérées au cours des traitements.
Préparation pelvienne lors de la radiothérapie:
Une hydratation optimale joue un rôle clé dans la préparation du patient. Elle contribue à prévenir la constipation, à maintenir un remplissage adéquat de la vessie, ce qui permet de réduire l’irradiation des tissus sains en stabilisant la position des organes. Cette hydratation améliore donc à la fois la tolérance digestive et la précision thérapeutique.
Schéma: les rôles essentiels de l'eau en oncologie
Thermorégulation Énergie Élimination des déchets Rôle mécanique Cicatrisation Santé digestive Santé cérébrale. Préparation pelvienne. Hydratation et les 4 R de la radiothérapie.
L’hydratation joue un rôle indirect mais essentiel dans l’efficacité et la tolérance de la radiothérapie en soutenant les 4 R de la radiobiologie :
• Réparation : Une bonne hydratation favorise la régénération cellulaire et la réparation des tissus sains
irradiés en maintenant un environnement cellulaire optimal, une microcirculation efficace et la fonction
des fibroblastes.
• Reoxygénation : L’eau assure une bonne perfusion tissulaire, facilitant l’oxygénation des cellules
tumorales hypoxiques, ce qui augmente la sensibilité de la tumeur aux rayonnements.
• Redistribution : Une hydratation adéquate améliore la stabilité métabolique des cellules, favorisant
leurs progressions dans les phases du cycle cellulaire en les rendant plus sensibles aux rayonnements.
• Repopulation : Elle soutient la capacité des tissus sains à se renouveler entre les séances de
radiothérapie, limitant ainsi les toxicités aiguës et améliorant la tolérance globale du traitement.
Dr ABBOUD. M Médecin Nutritionniste
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